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Loins Dans La Jungle
 
A Guy Called Gerald Unofficial Web Page - Article: Vibrations - No. 10 - Loins Dans La Jungle Vibrations
Nouvelle séries No. 10
December 1995
Page: 36
 
A Guy Called Gerald Unofficial Web Page - Article: Vibrations - No. 10 - Loins Dans La Jungle

Gerald Simpson, alias A GUY CALLED GERALD, s'est donné une mission:
faire évoluer la dance music électronique, l'emmener vers des territoires vierges

«Voodoo Ray», gigantesque succès house de la fin des années 80, c'était lui. «Black Secret Technology», chef-d'oeuvre jungle de 1995, c'est encore lui. Gerald Simpson, plus connu sous son nom de scène A Guy Called Gerald, sait traduire l'esprit de son temps. Ce jeune Noir jovial et chaleureux n'a pourtant pas choisi la voie facile. «Voodoo Ray» lui valut un contrat avec Sony, contrat rompu lorsqu'il s'est avéré que Gerald avait d'autres idées en tête que de «pondre» des tubes dans le même style. Échaudé par cette expérience avec une major, Gerald se lance alors dans une entreprise qui va s'avérer longue et difficile.

En 1991, il fonde son propre label Juice Box pour mieux se consacrer à l'élaboration d'une musique neuve et excitante, une musique qui n'était ni du goût de Sony, ni de son ancien manager. Il raconte: «J'allais écouter de la jungle au Paradise Club à Londres. C'était bourré de monde, on pouvait à peine bouger. En regardant ma montre je m'apercevais soudain qu'il était huit heures du matin et que les gens étaient toujours là.» De cette époque bouillonnante est sorti «28 Gun Badboy», un morceau dans le style ragga-jungle très apprécié dans le milieu. A tel point que tout le monde s'est mis à le sampler! Gerald l'a pris comme un compliment. «Le seul problème, dit-il aujourd'hui, c'est que quand tout commence à se ressembler, la musique meurt.»

C'est ce qui a amené Gerald à passer à l'étape suivante, l'ambiant jungle, une tendance plus proche de sa sensibilité: «Je me suis dit qu'à partir de breakbeats, je pouvais faire une musique plus propice à l'écoute... Je suis contre toute musique violente, même si notre environnement l'est. J'ai besoin de m'en échapper, et j'essaie de créer quelque chose qui emmène l'auditeur ailleurs.» Le résultat: «Black Secret Technology», son album sorti au printemps dernier dont le battement des pereussions, la pureté des voix et les mélodies aériennes évoquent des ambiances futuristes, des mondes troublants et mystérieux. Un disque qui se démarque de tout ce qui a été fait dans la jungle auparavant et qui a consacré Gerald comme l'un des junglists les plus respectés du moment.

Aujourd'hui, Gerald est un homme heureux, mais pas satisfait pour autant. Il s'est donné une mission, celle de montrer au public «que la jungle est bien plus que de la «drum & bass» lourde et lancinante». Et il s'est attelé à cette tâche délicate avec zèle et enthousiasme, allant jusqu'à travailler comme DJ lors de soirées à Bruxelles ou Amsterdam afin d'y passer des morceaux d'ambiant jungle, des morceaux «qu'an vrai DJ ne passerait jamais». A cela il faut encore ajouter sa récente collaboration avec Lady Miss Kier de Deee-Lite ou encore son remix jungle d'un morceau de la chanteuse de jazz brésilienne Flora Purim. Une projet surprenant pour certains, mais pas pour Gerald: «C'est sûr que son style est loin de la jungle, mais- j'ai grandi en écoutant des gens comme elle, Airto et Wayne Shorter. Ce remix m'a permis de boucler la boucle.»

Après avoir quitté Manchester pour s'établir à Londres, Gerald constate sans rancune: «Les gens là-bas me demandaient quand j'allais sortir quelque chose, alors qu'au même moment à Londres, mes morceaux cartonnaient dans les boîtes!» Dans son nouveau studio, il se consacre à son art utilisant de manière inventive les nouvelles technologies: «J'abuse des sons, je les retravaille de façon à ce qu'ils sonnent différemment, c'est ce qui me stimule. C'est comme lorsqu'on regarde à travers des lunettes bleues, ça prend une toute autre allure... Tant pis si le son est déformé... Ce qui me plaît, c'est le pouvoir d'évocation de la musique.» Une musique d'avant-garde qu'il crée en construisant des textures musicales inédites. Pour Gerald, il est important d'aller toujours de l'avant: «Le terme «jungle» est voué à disparaître mais la musique en elle-même, c'est-à-dire la dance électronique underground, existera toujours. Ce qui se passe actuellement, c'est qu'il y a beaucoup de DJ's qui ne sont pas très créatifs, mais qui s'achètent un ordinateur et un sampler et recyclent des sons. Je pense que cela ne va pas durer, parce que les gens vont en avoir marre d'écouter la même chose tout le temps. Par contre, si tu t'obstines à innover, tu ne lasseras jamais.»

Les résultats de ses travaux londoniens seront disponibles en décembre sur un mini-album comprenant trois nouveaux titres de jungle encore plus expérimentaux que «Black Secret Technology» et sur un album d'ambiant techno prévu pour l'année prochaine. Gerald y renoue avec ses premières influences, les pionniers de Detroit comme Derrick May et Juan Atkins, qui l'ont inspiré à faire «Voodoo Ray». Car pour Gerald la techno n'est pas le «boum, boum, boum» auquel on l'associe de nos jours, mais plutôt le son de Detroit «très mélodieux, avec beaucoup de cordes.» Le producteur mancunien nous réserve encore bien d'autres surprises. Son label Juice Box ne veut pas se limiter à sortir ses disques et ceux d'autres artistes: «En fait, ce qui m'intéresse davantage c'est de faire des remixes pour d'autres labels et de participer à leurs productions, et qu'eux fassent de même pour Juice Box. Nous sommes une famille très unie, il y a Reinforced, Moving Shadow, Metalheadz, Juice Box et tous les petits labels qui se spécialisent dans le style ambient.» Mais la plus grande aventure reste à venir. Juice Box s'est implanté à New York et tente d'y faire démarrer l'amblent jungle. Jusqu'ici la réaction a été très positive: «Les gens ont été agréablement surpris, d'autant plus qu'ils s'attendaient à une musique pesante et très rapide!» Faire connaître la jungle aux États-unis? Quand on vous disait que Gerald s'était donné une mission...

[Author: Rahma Khazam, Photo: Goswin Schwendinger]